03/04/2014

Avec iBeacon, votre téléphone devient (peut-être) trop intelligent

Dans mon dernier billet, « iBeacon: un signal de plus en plus fort » , je présentais iBeacon et j’illustrais comment cette technologie pourrait s’immiscer rapidement dans nos vies. C’est ce qui la rend excitante et fascinante à la fois, mais aussi un peu inquiétante.

Au-delà de l’intérêt pour les applications d’iBeacon qui faciliteront nos vies, nous sommes aussi en droit de nous poser des questions. La capacité d’iBeacon de cibler individuellement les consommateurs et de colliger de l’information contextuelle aura un impact important sur la vie privée. C’est d’autant plus vrai maintenant qu’un des principaux enjeux du marketing repose sur l’accès et le contrôle des données.

iBeacon et la richesse des données

Comprendre ses consommateurs à l’aide des « beacon analytics »

En plus d’être un canal de communication marketing hors pair, iBeacon est un incroyable outil de collecte de données, susceptible de révéler les besoins et attentes des consommateurs. Par exemple, le temps moyen passé dans un rayon ou le pourcentage des visites aboutissant à une vente deviendront rapidement d’importants indicateurs de performance.

Dès la fin des années 90 (et surtout après le lancement gratuit de Google Analytics en 2005), les entreprises ont découvert la puissance des outils d’analytique pour le commerce et le marketing en ligne. Aujourd’hui, iBeacon brise la frontière du monde physique. C’est d’ailleurs un argument de vente non négligeable dans les vidéos de présentation des compagnies offrant des solutions iBeacon comme Estimote ou Gimbal (le iBeacon de Qualcomm).

L’accès démocratisé au web analytics a largement influencé le domaine du UX (l’expérience utilisateur) en numérique en identifiant les meilleures pratiques pour la réalisation de sites offrant une expérience de qualité. À moyen terme, on peut imaginer que les beacon analytics auront un impact semblable sur les stratégies d’expérience en magasin et le déploiement d’expériences enrichies dans l’univers physique .

Du macro au micro, les données permettent un ciblage jamais atteint

S’il est pertinent de comprendre les actions agglomérées de l’ensemble des consommateurs, les données partagées par un individu permettent également de l’identifier personnellement et de communiquer avec lui en fonction de critères spécifiques. Âge et sexe, bien sûr, mais aussi historique d’achats, de visites et, pourquoi pas, de santé. Toutes ces bribes d’informations qu’on éparpille permettent de personnaliser le message pour rendre la communication plus efficace.

Bien sûr, les programmes de fidélité (ou des vendeurs attentifs!) permettent de personnaliser l’expérience, mais c’est loin de ce que permettra iBeacon en appliquant les méthodes du commerce en ligne au monde physique. La prochaine fois que vous entrez dans une librairie, pensez à l’efficacité des algorithmes de recommandation d’Amazon: ça devrait suffire à vous convaincre de l’efficacité d’une telle approche!

Qui a peur du grand méchant beacon?

« Hello, M. Yakamoto »

Souvent repris par les mouvements anti-publicité, cet extrait du film Minority Report nous montre à quoi pourrait ressembler un avenir où chaque écran de publicité et chaque magasin nous reconnaît. Les publicités à scanners rétinien sont peut-être encore du domaine de la science-fiction mais avec iBeacon, préparez-vous à une avalanche de notifications!

Malheureusement, la frontière entre information pertinente et pourriel est souvent mince. D’autant que plus les publicités sont ciblées, plus elles peuvent être intrusives (même si plusieurs études démontrent que les consommateurs préfèrent les publicités ciblées). À ce compte-là, les marketeurs pourraient très bien tuer la poule aux œufs d’or en abusant du système.

Respect de la vie privée

Finalement, les notifications intempestives ne seront peut-être qu’un moindre mal par rapport aux entorses possibles au respect de la vie privée. En effet, c’est moins la quantité d’information diffusée que le pont créé entre nos identités physique et numérique qui pose question.

La facilité avec laquelle le numérique permet de tirer profit des données partagées (consciemment ou non) par les utilisateurs est indéniable. Les cookies sont au cœur de l’écosystème du web et l’Internet que l’on connait aujourd’hui ne pourrait fonctionner sans eux. iBeacon crée non seulement un système de cookies pour le monde réel, mais l’arrime aussi au système existant.

Espérons aussi une prise de conscience des utilisateurs (et des citoyens) qui n’accepteront plus des sorties aussi simplistes que celle d’Eric Schmidt annonçant sérieusement : « s’il y a quelque chose que vous ne voulez dévoiler à personne, peut-être vous ne devriez simplement pas le faire. »

Terminons sur une note optimiste: comme pour toute innovation, le véritable impact apparaîtra sur le long terme. Pour ne pas laisser toute la place au marketing et éviter que iBeacon ne devienne un simple canal de publicité, il faut dès maintenant réfléchir et favoriser l’éclosion d’usages alternatifs. Souvenons-nous qu’en éducation, en architecture, en santé ou en art, cette technologie ouvre aussi des horizons.

Crédit image: Minority Report, Twentieth Century Fox Film Corporation

Sylvain Letellier
Sylvain Letellier

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Le consommateur est mort.

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