06/06/2017

Quand les marques profitent des gaffes

Le site de recherche d’emplois Jobboom a profité de la bourde de l’entrepreneur responsable de l’asphaltage du boulevard René-Lévesque pour faire un coup d’éclat publicitaire. Sur la photo des énigmatiques travaux de voirie, la marque a ajouté: «Ça paraît quand tu n’aimes plus ta job.» La création opportuniste a été partagée sur les médias sociaux et a fait grand bruit.

Le moteur de recherche d’emplois rejoint son concurrent Workopolis dans la stratégie des coups d’éclat. On se souvient de l’apposition d’autocollants «Bienvenue sur Workopolis» sur les affiches de campagne des candidats battus au lendemain de la dernière élection municipale.

Dans un registre similaire, le magazine touristique Conde Nast a publié un guide fictif pour l’île — jusqu’à présent inconnue — de Covfefe. Cette parodie survient dans la foulée d’une bourde du président Donald Trump, qui a envoyé un tweet étrange, maintenant devenu célèbre:

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Comme consommateur, on aime ce type de communication, parce qu’elle nous divertit et que la marque fait montre d’intelligence. À condition de demeurer dans le bon goût. Pour les marques, c’est l’occasion de faire montre d’esprit et de vivacité. C’est, ni plus ni moins, l’équivalent de la répartie.

Pour les publicitaires, c’est la chance de sortir du cadre plus rigide des campagnes organisées, planifiées, testées, souvent validées et revalidées, parfois édulcorées. Quand on réagit à l’actualité en direct, la pièce de communication et les médias sur lesquels elle apparaît sont plus éphémères… ce qui ouvre tout un territoire de création. Pas surprenant que les agences cherchent à profiter d’événements qui font jaser pour proposer des idées à leurs clients!

Communiquer de façon opportuniste, c’est donc souvent une occasion rêvée pour les marques et leurs agences. De plus, cela permet aux marques de se montrer moins rigides et de faire des coups d’éclat locaux. Une grande marque ne peut pas toujours produire une campagne complète pour un plus petit marché. Par contre, en faisant des clins d’œil à une actualité régionale, elle peut rappeler son appartenance et sa proximité.

Mais attention, tous les sujets d’actualité ne sont pas matière à faire du remue-méninges pour créer une publicité réactive. On l’a vu quand des marques se sont aventurées sur des terrains glissants. De la promotion #SandySale, pendant l’ouragan du même nom, au simple clin d’œil à un événement tragique (ici la mort de Prince), ces campagnes sont exécrées quand elles sont perçues comme purement opportunistes.

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Ce n’est pas la tristesse ou la gravité du sujet qui poussent à la réserve. C’est le ton qu’on emploie pour répondre. Par exemple, Nike a mis en ondes une publicité pour souligner le retour de Tiger Woods à la compétition, après ses déboires personnels. Dans cette vidéo touchante, on entend un enregistrement de son père, Earl Woods, décédé depuis quelques années. Le patriarche Woods s’interroge: «À quoi pensais-tu? Comment te sentais-tu? En retiens-tu quelque chose?» Cette démonstration d’humilité de la part du golfeur et de son commanditaire a plutôt été reçue comme une marque de vulnérabilité, plutôt que comme une promotion intéressée.

Mais comment les publicitaires font-ils pour fixer la limite? Comment peuvent-ils faire montre de répartie sans se faire taxer d’opportunisme malveillant?

La limite à ne pas franchir, c’est quand le consommateur voit, derrière la communication, l’appétit consumériste de l’annonceur. Dans bien des cas, la marque semble plus préoccupée par la conversion en dollars. Si elle n’est pas sensible à une cause ou à un événement triste, elle ne devrait pas prendre la parole. #JeSuisParis, oui; #RegardezJeSuisParisAchetezDoncMonProduit, non.

Si la marque semble profiter du malheur des autres, elle se fera épingler sur la toile. Sans oublier que les marques ne peuvent plaire à tous et que certains ont l’épiderme plus sensible. Le test suprême pour la marque, surtout lorsqu’elle cherche à s’associer à un événement moins réjouissant, c’est d’évaluer si sa position est celle de la conviction.

En d’autres termes, le gestionnaire de marque doit répondre à la question: est-ce que je prendrais cette position même si ça me coûtait des ventes ? C’est un bon test d’authenticité, une valeur souvent discutée, mais trop souvent mise de côté par les marques.

Article originalement publié dans L’actualité.

Image tirée de Marketing Land

Stéphane Mailhiot
Stéphane Mailhiot
Vice-président, stratégie 
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